A quand le pic pétrolier ?
par Patrick Brocorens, réunion ASPO France du 17 octobre 2023.
pdf de la présentation (en anglais)
Résumé
Il s’agit du troisième volet d’une série de présentations où la linéarisation de Hubbert est revisitée. Cette méthode permet d’analyser les phénomènes de croissance logistique, lesquels se produisent lorsque la croissance (1) a lieu en présence de limites et (2) s’atténue sans délai à mesure que les limites sont approchées. Il s’agit d’une bonne approximation pour décrire l’évolution de la production cumulée de pétrole, dont le taux de croissance ralentit à mesure que la ressource s’épuise. Il y a cependant pas mal de débats sur l’utilité de la méthode, sachant que le modèle considère des réserves ultimes U fixes et un taux de croissance intrinsèque r fixe également. Dans la réalité, r peut varier selon les aléas économiques, et U peut également varier, par exemple par le démarrage d’un nouveau cycle de découvertes. Néanmoins, les contraintes physiques qui sous-tendent le comportement logistique de la production pétrolière restent présentes, et il est donc toujours possible d’extraire des informations pertinentes en appliquant la linéarisation de Hubbert, que nous avons adaptée pour tenir compte de cette variabilité de r et de U.
L’avantage de la linéarisation de Hubbert est qu’elle transforme une courbe de production en cloche (forme typique si la croissance est logistique) en une droite, à partir de laquelle il est facile d’estimer r et U (Figure 1). Et en estimant chaque année r et U à partir de régressions linéaires multiples, il est notamment possible d’évaluer les écarts éventuels par rapport au modèle logistique et d’anticiper les corrections futures aux prévisions. Lors de la première présentation, nous nous sommes focalisés sur l’utilisation des estimations de U, lors de la deuxième présentation, nous avons exploité r, et lors de cette présentation, nous utiliserons r, mais aussi une combinaison de r et de U pour estimer une date de pic de production.

Partant du fait que dans un régime logistique le pic de production est atteint lorsque l’ultime a été extrait à moitié, il est possible de déterminer la date du pic de production connaissant r. En fait, il faudrait aussi connaître U, mais on peut proposer différentes valeurs pour U, et la valeur correcte se déduit du comportement des prévisions lorsqu’on réévalue au cours du temps l’année prévue du pic de production. Si la valeur proposée pour U est trop faible, l’année du pic est progressivement ramenée vers le présent; si la valeur proposée est trop élevé, l’année du pic est progressivement repoussée. Ce n’est que quand la valeur proposée est correcte que l’année du pic reste constante au cours du temps. Ainsi, cette méthode permet indirectement d’estimer l’ultime, en plus de prévoir mais aussi de confirmer la date du pic de production (Figure 2).

Une méthode alternative consiste à utiliser les estimations de r et U fournies par les linéarisations de Hubbert, mais comme les estimations de r et U ne sont pas indépendantes puisque appartenant à la même droite, le résultat obtenu est peu concluant en ce qui concerne une anticipation du pic de production. Le pic est toujours prévu trop tôt, en particulier lorsque les régressions linéaires se font sur de longues périodes; dans ce cas, le pic semble toujours avoir lieu demain, ce qui pourrait expliquer pourquoi certaines prévisions de pic de production rencontrées dans la littérature sont trop hâtives. Il est préférable de réserver cette deuxième méthode pour confirmer un pic de production que pour le prévoir.
Ces méthodes ont été appliquées à la production de pétrole conventionnel des 48 états contigus des USA, montrant que la production a suivi un régime logistique avec un ultime de 190 Gb pendant plusieurs décennies. La production a quitté ce régime dans le courant des années 2000, et suit à présent une trajectoire correspondant à un ultime entre 200 et 210 Gb.
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