Les Européens, comme les Etasuniens, consomment (un peu) moins, en particulier de pétrole. Une situation qui ne peut que créer un problème structurel du raffinage et de la distribution.

L’excédent mondial est estimé à 13 Mbj de capacité de raffinage. D’où d’importantes pertes des opérateurs. Exxon Mobil annonce une perte de sa division raffinage de 189 M$. Chevron de 613 M$, Shell de 1,7 G$. Rien qu’en France, le secteur perdrait 150 M€ par mois depuis un an (Petro Stratégie – PS – 8.02.10). La conséquence est la vente par les Majors d’installations et de réseaux de moins en moins rentables. BP, après Shell, en attendant Mobil, se délestent de leurs raffineries et de leur secteur de distribution (Figaro Economique 5.02.10). Des raffineries doivent être fermées ; exemple, le site de Dunkerque, Total affirmant par ailleurs sa volonté de rester un opérateur en Europe. En toute logique, on ne peut, en même temps, prôner des économies d’énergie et le statu quo des installations industrielles. Ce reflux de la consommation ne peut éviter de se répercuter sur la production. Et dans ces conditions, il est bien difficile, entre les incertitudes de la demande (déclin des pays développés, croissance des pays émergents) et des potentialités de l’offre, d’élaborer des scénarios fiables. Les perspectives de production d’autos dans les pays asiatiques (13 millions d’unités en Chine en 2009) ne sont pas sans rappeler la croissance exponentielle de 33% par an entre 1923 et 1929 aux Etats-Unis, en des temps où la production pétrolière ne demandait qu’à flamber. Dans son dernier rapport WEO 2009 l’AIE corrigeait ses estimations antérieures, pour envisager une croissance de la demande pétrolière de 0,9% par an (1,5 % pour le gaz et 1,9% pour le charbon), un taux qui porterait la demande à 100 Mbj (5 Gt/an) en 2030, ce qui paraît encore hors de portée. Et l’Agence de ne pas cacher ses inquiétudes, en particulier devant la faiblesse des investissements (PS 18.11.09). D’ailleurs, pour son économiste en chef, Fatih Birol, « les pays non membres de l’OPEP, auront atteint leur pic de production, non pas à un horizon lointain, mais dès 2010 ! » et « l’OPEP devra augmenter sa production de 30% au cours des vingt prochaines années » (Figaro Economique 11.11.09).

Dès lors les réflexions sur le « peak oil » tendent à se préciser. Pour l’UK Energy Research Centre, le pic de la production mondiale « atteindra son point culminant avant 2030 et peut-être même avant 2020 », les nouvelles découvertes ne changeront pas cette perspective » au plus de quelques années (PS 20.10.09). Pour un groupe d’industriels britanniques, à compter de 2015, « la production mondiale devrait plafonner à 95 Mbj » (Les Echos 11.02.10). Au forum de Davos, Th. Desmarest, en réponse à une déclaration peu réaliste du PDG de l’Aramco estime que la production mondiale aurait du mal à dépasser les 95 Mbj et que ce niveau serait atteint « dans une dizaine d’années » (PGA 16.02). En dépit des progrès attendus pour réduire les coûts de production et leur impact sur l’environnement, l’exploitation des sables bitumeux ne semble pas en mesure de repousser le « peak oil », mais seulement à atténuer le déclin de la production mondiale (Petroleum Review feb.10).

Il y a souvent un long chemin entre la découverte et la commercialisation. Même pour des pétroles conventionnels. Ainsi les découvertes en Ouganda par la compagnie britannique Tullow : cette compagnie a découvert, autour du lac Albert, comme on l’a vu précédemment, à faible profondeur, plusieurs accumulations dont les réserves atteindraient 2Gb avec une production estimée à 1 000 000 bj. Mais leur consommation locale est faible et les gisements loin de la mer. Autrement dit cette exploitation implique des investissements dépassant les moyens de ces modestes opérateurs. Une proie intéressante pour des majors, comme Exxon Mobil, qui ont manqué le départ du train. D’où une suite de discussions d’achats, de parts ou de sociétés, plus ou moins entravées par l’Etat ougandais (Petroleum Economist août, PGA 16.01, 1.02, PS 25.01).

La même saga se répète au Ghana avec les mêmes sociétés et les mêmes difficultés. On retrouve des situations similaires aux Etats-Unis avec « l’explosion » des gaz non conventionnels. Ainsi Exxon Mobil rachète XTO Energy, bien placée dans l’exploitation de ces gaz, pour 41 G$, la plus grosse OPA depuis l’achat de Mobil (Les Echos 15.12.09, World Oil Janv.2010). Total prend une participation de 25% dans la société Chesapeak, leader dans ce domaine. Une façon de renouveler ses réserves.

Ces nouveaux gaz, comme les sables bitumeux, sont-ils vraiment la solution ? Les contraintes écologiques s’accentuent sur ces exploitations. Les fracturations hydrauliques avec injection de sable et de produits divers polluent les nappes phréatiques. Des actionnaires de BP menacent de boycotter le brut des sables canadiens (Bloomberg 9.02). en attendant les opérateurs cherchent à optimiser leurs projets en réduisant au maximum les coûts de production. Dans le projet Sunrise, BP ramènerait le « capex moyen d’environ US$ 62 000 par bj (…) à quelques US$ 38 000 par bj aujourd’hui » se rapprochant ainsi des 25 000 à 30 000 $ par bj des eaux profondes du Golfe du Mexique (PS 15.02). D’autres projets comme celui de Shtokman reporté de 3 ans, ne sont plus d’actualité (PS 15.02).

Le succès inciterait-il à la corruption, On ne peut éviter de se poser la question à la lecture du lièvre soulevé par les juges algériens. « Le PDG de la Sonatrach, Mohamed Meziane, le vice Président chargé de la commercialisation Chawki Rahal et d’autres cadres de haut niveau ont été mis en examen » peut-on lire dans le PGA du 1.02 qui titre « la Sonatrach et l’Algérie dans la tourmente ».

Et dans tout cela qu’en est-il des agro-carburants ? L’avenir de ceux de première génération est mis à mal. Le programme éthanol des USA est de plus en plus discuté (PS 25.01.10). après un rapport très critique de l’ONU (PS 26.10.09), l’Union Européenne pourrait renoncer à les subventionner (Inter Herald Tribune 12.02.10). En la matière, hors du Brésil point de salut !

Alain Perrodon